La région du Sahel fait à nouveau face à des tensions alimentaires et nutritionnelles majeures.  Cette crise persistante depuis 3 ans s’est considérablement aggravée depuis le guerre russo-ukrainienne par une hausse mondiale des prix des denrées alimentaires et des engrais, par les bouleversements climatiques, les conflits armés, la pauvreté économique.

Plus de 12 millions de personnes sont en situation d’urgence alimentaire dans cinq pays du Sahel, dont le Burkina Faso où 1,8 millions de personnes ont dû fuir leurs villages en raison des attaques djihadistes. Mais cette population déplacée est loin d’être la seule exposée à la faim. 5 millions de burkinabés sont aujourd’hui touchées par cette crise alimentaire grandissante.

Témoin de cette situation, Ingalañ et ses partenaires ont le choix d’adapter leurs activités communes au Burkina Faso, restant dans un objectif de souveraineté alimentaire. La campagne Kengred Burkina, une main pour l’urgence, un pas pour construire  s’est construite durant le printemps et l’été 2022 (Kengred, « solidarité » en breton).

Les activités en cours menées par Ingalañ et ses partenaires burkinabés sont regroupées au sein du programme Yam Wékré . Ce programme englobe une dimension agricole, biologique et éducative. Il s’appuie sur la mise en place de filières biologiques rizicoles, la sensibilisation à l’agroécologie en école primaire rurale et l’amélioration nutritive des repas dans les cantines des écoles impliquées. Le riz biologique est le lien entre les parties agricoles et scolaires du programme et concernent 1370 riziculteurs et rizicultrices et 2 écoles, soit environ 610 élèves.

En mai de cette année, alors que le démarrage de la 3ème année du programme Yam Wékré allait commencer, de nombreux signes ont montré de sérieuses difficultés présentes et à venir pour l’alimentation d’une partie de la population. De grandes inquiétudes ont également été remontées par des organisations paysannes, coopératives et groupements, concernant les difficultés, voire l’impossibilité d’accès aux engrais.

Devant ces problématiques, l’association et ses partenaires locaux ont estimé qu’une réévaluation des activités était nécessaire. La campagne Kengred Burkina viendrait en soutien de personnes en situation de difficultés alimentaires tout en maintenant des actions pour le renforcement de l’autonomie et la souveraineté alimentaire.

La souveraineté alimentaire

Le mouvement paysan international La Via Campesina définit la souveraineté alimentaire comme étant « le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée produite avec des méthodes durables, et le droit des peuples de définir leurs propres systèmes agricoles et alimentaires. »

Les promoteurs et défenseurs de la souveraineté alimentaire favorisent le maintien d’une agriculture de proximité destinée en priorité à alimenter les marchés régionaux et nationaux, privilégiant des techniques agricoles agro-écologiques qui favorisent l’autonomie des paysan-ne-s.

L’autonomie en intrants respectueux des sols s’inscrit donc dans la démarche et dans les revendications.

Soulignons enfin qu’au Burkina Faso, on trouvera une résonance particulière à la revendication d’une souveraineté alimentaire. Ceci n’explique par l’emprunte qu’a laissé le capitaine Thomas Sankara sur une partie conséquente du peuple burkinabé. C’est donc en s’en inspirant du mieux possible de ce personnage historique que la campagne sera menée, prenant par exemple une de ses citations «Nous encouragerons l’aide qui nous aide à nous passer d’aide»

Situation actuelle au Burkina Faso et au Sahel

L’augmentation des conflits armés, la détérioration de la sécurité, la pauvreté et l’impact du changement climatique constituent une réelle menace pour les pays du Sahel central. Au Burkina Faso, au Mali, au Niger et en Mauritanie 12,7 millions de personnes sont actuellement en insécurité alimentaire (source Programme Alimentaire Mondial). Au Burkina Faso, plus de 5 millions de personnes sont sous pression alimentaire, plus de 3 millions se trouvent en situation de crise, près d’1 million se trouve déjà en phase d’urgence.

La crise alimentaire qui frappe la sous-région risque fortement d’être aggravée dans les mois à venir. Selon le Comité International de la Croix-Rouge (CICR), au moins 2 millions de personnes ont été contraintes au déplacement au Burkina Faso, au Mali, au Niger et en Mauritanie suite au conflit avec les djihadistes. 70% de ces déplacements concernent le Burkina Faso où les attaques ont poussé près 1,8 million de personnes à fuir leurs villages. Une majorité d’entre elles étant des paysan-ne-s, ce sont autant de récoltes qui ne se seront pas faites et de terres nourricières abandonnées. Plus de 450 000 hectares de terres cultivables n’ont pas été exploitées en 2021 en raison de conditions de sécurité dégradées.

La flambée des prix des produits alimentaires de base était amorcée dès le début de l’hiver dernier. La guerre en Ukraine a aggravé une situation déjà très précaire. L’inflation que subissent les burkinabès se traduit par une multiplication du prix du maïs par 3, celui de l’huile par 2. Les engrais de synthèse, déjà difficiles d’accès chaque année, sont aujourd’hui inabordables pour les producteurs et les productrices car leur prix a triplé, entraînant une raréfaction de la fumure animale et par conséquent un impact sur l’agriculture agroécologique.

Fortes craintes pour les campagnes à venir

Portée par des organisations comme le Conseil National de l’Agriculteur Biologique (CNABio), le Collectif Citoyen pour L’Agro-Ecologie (CCAE), la Fédération Nationale des Organisations Paysannes (FENOP) et bien d’autres, la progression de l’agroécologie au Burkina Faso s’appuie sur une forte dynamique. Mais le chemin vers le retour d’une agriculture autonome et la souveraineté alimentaire nécessite du temps et des moyens. Des solutions existent pour des alternatives efficaces aux engrais chimiques, mais l’inaccessibilité soudaine de ceux-ci porte un coup et fragilise dangereusement le système alimentaire du pays.

L’accès aux engrais est depuis longtemps une difficulté économique récurrente pour les producteurs et productrices. L’explosion de leur prix, directement liée à la guerre en Ukraine et à la situation sécuritaire du pays les rend inaccessibles. Seul 12% des besoins en engrais ont été satisfaits. Cette situation fait présager une forte aggravation de la crise alimentaire actuelle.

Si intervenir dans le sens d’une aide alimentaire directe n’est pas dans les habitudes ni dans les objectifs de l’association, il est des situations d’urgence où cela devient une nécessité évidente.

Devant cette situation d’urgence et cette dégradation annoncée, Ingalañ a fait le choix d’adapter son implication tout en maintenant les activités en cours.  Par la campagne « KENGRED  BURKINA . Une main pour l’urgence, un pas pour construire », les membres de l’association entendent collecter les moyens nécessaires pour : soutenir les familles et groupes d’individus ; aider au développement de solutions agroécologiques pour l’enrichissement des sols.

Une main pour l’urgence

Entre 2020 et 2021, en coopération avec l’association Teel Taaba, Ingalañ s’est impliquée pour la distribution de riz et d’huile lorsque les mesures de quarantaine dues au COVID-19 ont entraîné des répercussions sur l’alimentation des populations les plus fragiles. Cette initiative nous a permis de prendre la mesure de certaines problématiques humaines et logistiques. La campagne aura également été l’occasion d’une collaboration avec l’ONG APIL pour une distribution auprès de personnes déplacées.

La cantine scolaire est un moyen efficace de garantir un repas quotidien et éducatif. Le programme Yam Wékré va donc se poursuivre pour une meilleure alimentation des enfants ; d’autres cantines pourront être ajoutées en fonction des capacités financières de la campagne.

Les populations ciblées pour le soutien alimentaire seront les plus fragiles parmi lesquelles se trouvent les personnes et familles déplacé-e-s internes, les familles accueillantes, les mères isolées.

 Les déplacé-e-s internes étant en majorité des paysan-ne-s, permettre à ces personnes de pratiquer leur métier sera un des axes développé durant la campagne.

 Les aliments achetés et distribués seront issus des productions locales.

Un pas pour construire

L’aide au développement de solutions agroécologiques et autonomes pour l’amendement des sols s’appuiera sur les connaissances et compétences locales auxquelles pourront s’ajouter quelques recherches et innovations. Les premiers besoins identifiés sont le soutien en matériel et à la transmission via les formations.

Des solutions à courts et moyens termes

En considérant le caractère d’urgence, les solutions les plus rapides pour l’enrichissement des terres seront privilégiées, à savoir :

  • Le soutien à l’utilisation d’engrais verts tel que le mucuna pour le maraîchage, l’azolla pour la riziculture.
  • Équiper, former à la production de compostage rapide telles que les méthodes Berkley (3 semaines) et Bokashi (2 semaines).
  • La production d’azolla et son utilisation pour la production de compost. L’azolla est une fougère aquatique à croissance rapide avec une forte capacité de captation d’azote atmosphérique et pouvant être cultivée en bassin.
Formation au compostage méthode Bokashi
Les arbres fertilitaires, une solution performante à moyen terme
  • Mise en place d’unités de compostage collectives pilotes équipées en matériel, garanties en eau. Celles-ci seront développées au sein d’organisations paysannes constituées, groupements ou coopératives
  • L’agroforesterie et l’utilisation d’arbres fertilitaires ont fait leurs preuves au Burkina Faso. Après l’implantation des arbres légumineux, les résultats de cette technique sont visibles sur les parcelles équipées, rendant celle-ci autonome en azote au bout de 3 ans.

SOUTENIR LA DYNAMIQUE ET LE SAVOIR-FAIRE LOCAL POUR UNE AGRICULTURE
AGROÉCOLOGIQUE ET AUTONOME EST PLUS QU’UNE PRIORITÉ.
C’EST AUJOURD’HUI UNE URGENCE.

Les partenaires et acteurs de la campagne

La coordination de la campagne Kengred Burkina sera assurée au Burkina Faso par l’antenne locale Ingalañ Burkina Faso, une association de droit burkinabè basée à Ouagadougou. Elle sera en charge d’animer un comité de pilotage regroupant plusieurs partenaires d’Ingalañ.

Napam Beogo, partenaire d’Ingalañ depuis 2007 et acteur majeur de l’agroécologie au Burkina Faso, apportera un soutien logistique à la campagne et participera aux activités pour un compost rapide et performant

AMAPAD est une association burkinabè partenaire d’Ingalañ depuis 2012, principalement pour le soutien et le développement de la filière rizicole locale. Son rôle réside entre autre à l’organisation et la dispense de formations parmi lesquelles des formations compostage, d’application d’engrais verts.

Située à Ouagadougou, l’associationTell Taaba agit pour l’autonomie des femmes et soutient particulièrement les  mères isolées

APIL est une ONG Burkinabè engagée pour le développement de l’agroécologie et depuis plusieurs années pour le soutien aux déplacé-e-s. L’ONG participera aux actions d’alimentation d’urgence et de construction pour la campagne.

Soutenir la campagne

 La situation et l’avenir présagé amènent l’association et ses partenaires à adapter les activités au Burkina Faso. Il en va de même pour celles qui se dérouleront en Bretagne, en France, voir en Europe.

Cette campagne  est prévue sur une durée de  2 à 3 ans. L ‘activité principale au Nord consistera principalement à informer et à collecter des fonds.

Pour soutenir la campagne KENGRED BURKINA vous pouvez :

  • Contribuer au financement participatif Helloasso.
  • Organiser un événement de soutien via votre association, collectif ou entreprise.
  • Participer au développement de la campagne au sein de l’association.
  • Consommer des produis biologiques burkinabè en lien avec campagne
  • Nous rejoindre et agir au sein de l’association