Depuis une dizaine d’années, Ingalañ s’est impliquée pour la promotion et le développement d’un riz local biologique burkinabè. Étant donnée notre volonté de soutenir des actions visant la souveraineté alimentaire, il nous est apparu comme logique que cette céréale fasse le lien entre les parties agricoles et scolaires du programme Yam Wékré.

Le riz est une denrée de base pour plus de la moitié de la population mondiale pour laquelle il apporte 23% des calories consommées. Pourtant, de la production de cette céréale primordiale pour l’humanité, émergent des problématiques qui sont, entre autres :

  • La raréfaction des terres cultivables disponibles,
  • L’augmentation des coûts de production,
  • Une rentabilité insuffisante,
  • La baisse de la production dans le monde due à la baisse des rendements et des surfaces rizicoles (avec pourtant, une forte augmentation des besoins, estimés à 38% d’ici 2040),
  • Une forte consommation en eau  (la culture du riz représente 50% de l’eau utilisée pour l’irrigation agricole, alors que celle-ci se raréfie, devenant  source de conflits dans différents endroits du globe).

Au Burkina Faso cette céréale est la base des repas servi dans les cantines scolaires.  Bien que ce pays soit historiquement producteur de riz, 70 % de celui-ci est importé. Il s’agit en grande majorité d’un riz à basse qualité nutritionnelle, moins cher et rentrant en concurrence directe avec la production locale.

Cet état de fait impacte donc les producteurs et productrices burbinabés, ainsi que la volonté d’une souveraineté alimentaire portée par des organisations paysannes et de la société civile du pays.

Face à ce constat, Ingalañ s’est rapprochée de l’association AMAPAD, partenaire majeure depuis 2012, dont l’objet est d’œuvrer pour la promotion de pratiques agricoles performantes, rémunératrices et respectueuses de l’environnement. L’association Burkinabè a, par ailleurs, introduit le Système de Riziculture Intensive au Burkina Faso.

Le Système de Riziculture Intensive ou SRI

Développé dans les années 80 à Madagascar par Henri de Laulanié, sur les bases d’observations lors d’une sécheresse, le SRI n’est pas une technologie standardisée. C’est une méthodologie complète de gestion des ressources qui change la façon d’appréhender la terre, les semences, l’eau, les intrants et le travail. La technique permet un rendement nettement supérieur, une économie de semences de 90 % et nécessite 2 fois moins d’eau.

AMAPAD a introduit le SRI au Burkina Faso en 2005. L’association développe et impulse depuis cette technique agroécologique et performante par le biais de formations.

Au Burkina Faso, les résultats obtenus par cette cette pratique culturale sont deux à trois fois supérieurs aux cultures conventionnelles, soit un rendement de 7 à 9 tonnes à l’hectare.

L’aide au développement du SRI nous a donc paru une solution efficace pour soutenir la production nationale face au riz d’importation.

Pierre Belem, fondateur d’AMAPAD

Riz local et biologique

Si les premières collaborations entre Ingalañ et AMAPAD ont été menées pour la promotion et le développement de la technique SRI, la mise en place d’une filière rizicole biologique destinée à la population locale est rapidement devenue un objectif. Il est aujourd’hui un axe essentiel et prioritaire du programme Yam Wékré.

En 2021, es premiers tests en culture, sans intrants chimiques, réalisés sur Bama (Région des Hauts Bassin, au sud ouest du Burkina), ont obtenu un rendement très satisfaisant. Une seconde production de riz agroécologique à destination du marché local a été semée en juillet 2022.

Le groupement féminin  « Lagmtaab-la panga » du village de « Gaskaye », (commune de Pabré dans la région du Centre), réalise cette production sur 20 hectares. Parallèlement, 30 productrices recevront une formation à la technique SRI dispensée de mars à octobre par AMAPAD. Les 20 hectares seront divisés en 4 zones où seront appliqués des modes d’amendement différents.

Le choix s’est porté sur Gaskaye en raison de l’historique des parcelles, celles-ci n’ayant accueilli aucune culture depuis plus de 4 ans. D’autres productions de riz agroécologique  se feront dans les régions des Hauts Bassins et de la Comoé. Le programme prévoit, à terme, une certification Bio SPG, certification biologique nationale fonctionnant sur un mode participatif.

La transformation

Pour sa transformation et son adaptabilité au marché local, le programme s’appuie sur l’Union des Groupements d’Etuveuses de Riz de Bama (UGER-B), comptant 960 femmes en son sein. L’UGER-B, qui collabore avec AMAPAD et Ingalañ depuis plusieurs années, est une structure importante dans la construction de la filière locale de riz biologique.

Membre de l’UNERIZ (Union Nationale des Étuveuses de Riz), l’activité du groupement est l’étuvage et le décorticage du riz a destination du marché national. Le riz produit dans la région des Hauts Bassins arrive paddy à l’Union. Le terme « riz paddy » désigne un riz à l’état brut, non décortiqué, qui a donc conservé sa balle après récolte et battage. L’étuve consiste à une pré-cuisson à la vapeur avant décorticage. Ce traitement permet l’obtention d’un riz plus nourrissant.

L’UGER-B compte parmi les unités de transformation les plus conséquentes du pays et sera la première à être certifié biologique selon les critères nationaux. Elles commercialisent 1 500 tonnes de riz paddy par an, acheté auprès des producteurs locaux.

Un riz bio-équitable vers l’Europe

Le programme prévoit l’ouverture d’une filière de riz biologique et équitable à destination de la

Bretagne. Celle-ci sera d’une proportion largement inférieure à la filière locale. Apportant une rémunération supérieure aux producteurs et productrices, elle sera également utilisée comme vecteur de communication, tant au Burkina Faso qu’au pays de destination. Ce circuit économique inédit et symbolique sera un événement de dimension internationale, étant la première filière rizicole Afrique-Europe.

Deux hectares y seront consacrés à Bama sur la station de recherche de l’INERA (Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles), partenaire du programme. Ils seront cultivés par des membres de la coopérative 4.1 de l’Union des Coopératives Rizicoles de Bama (UCRB). Ces parcelles ont accueilli une première culture en 2021 pour la production de semences biologiques destinées aux 2 filières.

Un riz biologique et populaire

La partie rizicole du programme Yam Wekre prend en considération l’ensemble de la filière au Burkina Faso, de la fourche à la fourchette. Production, transformation, logistique et vente travaillent ensemble au sein d’un comité de pilotage pour l’élaboration de la filière.

Parmi les objectifs annoncés, amener les produits biologiques à un niveau populaire, accessible au plus grand nombre, est un point essentiel. En effet, à ce jour, les produits biologiques sont proposés à un public aisé et/ou expatrié et à des personnes financièrement favorisées.  Les membres du comité de pilotage ont donc divisé le marché en 3 secteurs, à savoir :

  • Les cantines scolaires (deux cantines primaires de communes rurales sont à ce jour intégrées au programme).
  • Les boutiques et marchés de quartiers : le choix s’est porté sur des projets de boutiques développées par des organisations de l’économie sociale et solidaire. À titre d’exemples, l’association Teel Taaba qui agit pour l’autonomie des femmes et contre les violences familiales, ou encore l’association Lobbo Solidaire qui gère un orphelinat sur Ouagadougou. La vente de riz en boutiques ou étales n’est pas limitée à cette démarche, sachant qu’un réseau de revente de produits biologiques se développe d’ores et déjà dans le pays. Parmi les points de vente existants, citons aussi La Saisonnière, groupement de maraîchères en production urbaine (Ouagadougou) et le réseau de magasins Napam Bio.
  • Les restaurants populaires : les maquis restaurants et autres kiosques font partie de la culture populaire et sont très fréquentés au Burkina Faso. On peut y consommer des plats locaux à un prix abordable, dont la plupart sont accompagnés de riz. Un réseau de restaurants biologiques s’est constitué, s’appuyant sur la production de produits biologiques locaux déjà disponibles comme la pâte d’arachide, les légumes, le soja, les jus de fruits…

Pour autant, la crise alimentaire qui s’intensifie dans la plupart des états Africains dont le Burkina Faso, nous incite à adapter nos priorités sur le programme Yam Wékré. La situation est très préoccupante et nous conduit à une extension du programme pour répondre à ce besoin d’aide alimentaire. Il est compliqué de construire le ventre vide !

C’est pourquoi nous complétons nos actions par un programme additionnel, Kengred Burkina (traduction), pour répondre à ces problématiques conjoncturelles majeures.

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